Les moteurs électriques sont réputés pour leur silence. C’est probablement vrai dans une ambiance déjà sonore. C’est moins vrai lorsque les bruits ambiants ont disparu. C’est le cas par exemple des voitures électriques lorsque les sons provenant du moteur thermique sont absents.
« Les bruits générés par les moteurs électriques, petits ou grands, ont des composantes tonales très aigues qui sont très désagréables à l’oreille ; que ce soient les bruits de « sifflement » générés par le moteur lui-même ou les bruits de « sirène » provenant des transmissions par engrenages » observe Pascal Bouvet, directeur opérationnel de Vibratec et Coordinateur du projet e-Silence.
La société MMT (Moving Magnet Technologies) qui conçoit et brevète des moteurs électriques s’est associée à Vibratec pour cette action co-financée par le Fonds Unique Interministériel, afin de réduire les effets sonores de ses moteurs.
« Nous avons conçu, par exemple, des petits moteurs qui actionnent des volets d’aération du radiateur pour les moteurs automobiles. Le bruit de fonctionnement peut troubler le conducteur et évoquer un mauvais fonctionnement du système. Nous avons bien sûr voulu régler ce problème ! » complète Christophe Espanet, Directeur scientifique de MMT.
La multiplication des véhicules électriques et, à l’intérieur de ceux-ci, de dispositifs commandés par des moteurs électriques conduisent à rechercher des moyens génériques pour réduire toutes ces nuisances sonores. L’action entreprise par le consortium e-Silence étudie et modélise l’origine des bruits, détermine dès la conception la meilleure façon de les réduire à défaut de les éliminer totalement.
Le consortium regroupe cinq partenaires complémentaires. Vibratec (Lyon) coordonne l’action et apporte son expertise en modélisation multi-physiquei pour les machines électriques et ses systèmes de test. MMT (Besançon) fournit les moteurs et fabrique les prototypes. Le Laboratoire d’électrotechnique et d’électronique de puissance (L2EP-Lille) contribue par sa compétence dans la mise au point de modèles électromagnétiques numériques. Le laboratoire universitaire Femto-ST (Besançon) apporte sa compétence dans les modèles mécaniques et sa connaissance des résines. Enfin la société Altair (Grenoble) développe une version commerciale de logiciels de modélisation du comportement sonore des équipements électriques et électromagnétiques (Altair® Flux®).
« Avec nos partenaires, nous avons mis au point une méthode numérique d’optimisation pour réduire les émissions sonores tout en préservant les autres performances de la machine (couple, rendement, etc.). Cette méthode peut s’appliquer dès les premiers stades de la conception. Nous prenons en compte, les géométries du rotor (la partie qui tourne dans le moteur) et du stator, les tensions électriques, les vitesses de rotation etc.» détaille Pascal Bouvet.
La méthode a été appliquée à la conception, par MMT, d’un moteur basse vitesse (rotation d’environ 5000 tours par minute) et d’un moteur haute vitesse (rotation d’environ 120 000 tours par minute).
Les travaux de modélisation et les mesures ont mené par exemple à une conception totalement nouvelle du stator (la partie fixe qui génère le champ magnétique qui entraine la rotation du rotor), du moteur à haute vitesse. Pour résumer, le stator de forme en roue avec des rayons a été modifié pour adopter, avec le même encombrement, une forme en étoile. Le gain est déjà de 20 décibels. L’amélioration de la résine qui englobe le stator assure un gain supplémentaire.
Ainsi au terme de l’étude, le bruit maximal généré par le moteur haute vitesse est réduit de 40 décibels.
« C’est un résultat spectaculaire, constate Christophe Espanet. Nous avons appliqué ces mêmes méthodes au moteur basse vitesse. Le gain est réel mais, comme le moteur est moins bruyant, le gain est moins important tout en restant significatif ».
Au-delà des résultats techniques obtenus, ce projet a de nombreuses retombées en démontrant l’intérêt d’agir dès la conception des moteurs grâce aux modèles mis au point. Les méthodes développées s’appliquent à tous types de machine électrique (synchrone, asynchrone, etc.) quel que soit le secteur industriel d’application (automobile, ferroviaire, aéronautique, mobilités douces, production d’énergie, etc.). Ainsi les sociétés Altair et Vibratec ont intégré les retombées de cette étude qui qualifie le comportement vibroacoustique des moteurs, dans leurs logiciels. Le couplage des modèles électromagnétique et mécanique fait gagner, au stade des études initiales de conception des moteurs, du temps de calcul (jusqu’à 60% par exemple pour le moteur haute vitesse).
Pour Pascal Bouvet, « ce gain de temps est d’autant plus important qu’il est ainsi possible d’évaluer numériquement des centaines voire des milliers de configurations théoriques dans des temps compatibles avec le temps de développement de ces produits ».
Pour Christophe Espanet, « cette étude est à l’origine non seulement, de retombées techniques et industrielles, de liens de partenariat forts, notamment avec Vibratec, mais aussi d’une véritable montée en compétence dans le cœur de métier de MMT ».
Photographie d’un moteur Sonceboz utilisé pour le positionnement des grilles actives (moteur lent optimisé durant le projet eSilence) – Image Sonceboz
i Modélisation Multi-physique : modélisation numérique prenant en compte tous les paramètres physiques concernés par l’objet : mécaniques, thermiques, électromagnétiques et chimiques le cas échéant.